La Grande Inondation

Jardin Tino Rossi, crue de la Seine 2001 (photo Isabelle Haerdter)
crédit : Isabelle Haerdter ̶̶ site web
pays
France
auteur

Martine Le Bec

Les portes sont ouvertes !… L’eau monte, l’eau monte ! Dans la nuit, cette clameur vole à travers la ville ; mais celui qui l’a poussée ne la répète point, celui qui l’a entendue ne l’entend pas deux fois, tant est rapide l’invasion de la mer.
Au fond de son château dormait le roi Gradlon.

Charles Guyot, La légende de la ville d’Ys, d’après les textes anciens - éd. Coop Breizh, 1991

Est-il possible que la Seine sorte un jour de son lit comme en janvier 1910, lorsque le zouave du pont de l’Alma eût de l’eau jusqu’à la poitrine, bienheureux d’avoir tout de même pu garder la tête hors d’atteinte ? Une chose est sûre, la crue de Paris, même d’ampleur exceptionnelle, ne sera ni soudaine ni meurtrière comme celle décrite dans la légende de la ville d’Ys. Le tout est donc de savoir s’y préparer.

Une chance sur deux de vivre La Grande Crue

Carte topographique du bassin versant de la Seine réalisée par Paul Passy (Chamois rouge) – Wikipedia

Le débit de la Seine est marqué par une grande variabilité interannuelle, caractérisée par des inondations de forte amplitude. La crue de 1910 est la plus connue avec un débit de pointe estimé entre 2 400 et 2 650 m3/s à Paris, soit près de huit fois le débit moyen du fleuve. Cette crue, bien documentée, fait figure de référence. On estime qu’elle a une période de retour centennale, soit une probabilité d’occurrence de 1 sur 100 chaque année. Ainsi, chaque Francilien a plus d’une chance sur deux de vivre un évènement de ce type au cours de son existence.

Près de 850 000 habitants de l’Île-de-France sont directement menacés par une crue centennale. Les aires urbanisées des départements du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine sont tout particulièrement exposées, ainsi que les 7e, 8e, 12e, 13e et 15e arrondissements de Paris. 60 % de cette zone inondable métropolitaine est exposée à un aléa fort à très fort où la hauteur de submersion pourrait dépasser 1 mètre. Les pertes en vie humaine sont peu probables du fait de la lenteur de la crue. Mais de nombreux équipements hospitaliers ou de santé ne pourront continuer leurs activités qu’en mode dégradé ou devront fermer temporairement. Les institutions de l’État auront à faire face aux mêmes perturbations que les citoyens. De nombreux bâtiments clés du fonctionnement de l’État se trouvent en zone inondable ou de fragilité électrique. Le palais de l’Élysée, l’Assemblée nationale, le palais de justice et la préfecture de police sur l’Île de la Cité, le ministère de l’Économie et des Finances à Bercy, celui des Affaires étrangères au quai d’Orsay, la préfecture de région et le nouveau siège de l’état-major de l’armée française à Balard dans le 15e arrondissement ainsi que plusieurs casernes de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris se trouvent tous en zones inondables.

Les crue majeures à Paris

Historique des crues majeures à Paris (infographie Julie Morineau)

La plus ancienne échelle de mesure des crues à Paris est située au pont de la Tournelle, dont le niveau zéro correspond à celui des plus basses eaux de la Seine en 1719. Néanmoins, c’est aujourd’hui au pont d'Austerlitz que sont enregistrées les cotes même si, pour les Parisiens, c'est la statue du zouave du pont de l'Alma qui reste l'indicateur.
En vigilance orange, il est demandé aux gens de s’éloigner des cours d’eau et des voies immergées, de limiter leurs déplacements et de réduire leurs activités extérieures.
En vigilance rouge, il leur est demandé de se mettre à l’abri ainsi que leurs biens et de suivre l’évolution du phénomène à la radio. Il faut prévoir de pouvoir resté chez soi pendant au moins trois jours.
Votre kit de survie doit contenir : de l’eau, des aliments non périssables, des vêtements chauds et des couvertures, une lampe de poche à pile (avec des piles de rechange) ou à dynamo, une radio à pile ou à dynamo, une trousse de premiers soins, vos médicaments avec les ordonnances et le carnet de santé.
Le réseau de formateurs Risques Majeurs éducation (RMé) a mis en ligne 3 spots réalisé avec Météo France qui vous permettront de mieux comprendre les niveaux de vigilance  face aux évènements météorologiques dangereux et d’adopter le comportement approprié.
>> Vigilance météorologique

 S’y ajoutent bien sûr de nombreux collèges et lycées et, bien évidemment, il n’y aura plus classe pour de nombreux élèves. Certaines écoles seront fermées, et si ce n’est pas le cas, les élèves, tout comme leurs enseignants, auront du mal à se rendre sur place car la majorité des lignes de métro comme de bus ne fonctionneront plus, ou fonctionneront elles aussi en mode dégradé. Seule la ligne 2 du métro (Nation-Porte Dauphine) sera épargnée par la montée des eaux.

Témoins historiques

Témoin apposé au ministère de l'Économie et des Finances à Bercy (photo Martine Le Bec)

Les repères de crues sont des marques destinées à faire vivre la mémoire des inondations. Apposés ci et là dans le paysage urbain, ils indiquent  le niveau le plus haut atteint par les eaux en un point donné. Le répertoire des repères de crues réalisé par DRIEE Île-de-France met à votre disposition un moteur de recherche pour localiser les repères de crues situés sur le bassin Seine-Normandie.
>> Répertoire des repères de crues sur le bassin de Seine-Normandie

Afin de préserver au mieux les Parisiens des conséquences néfastes d’une inondation, la Ville de Paris, comme plusieurs autres municipalités riveraines, a mis en place des protections permanentes en surélevant les parapets des bords de Seine et a prévu des protections mobiles (batardeaux, barrières anti-crues ou rehausses de parapets) permettant d’espérer résister à une crue aussi importante que celle de 1910. Depuis plus d’un demi-siècle, l’agglomération parisienne a surtout été protégée par la construction en amont de la région de quatre barrages-réservoirs, aujourd’hui gérés par l’établissement public territorial de bassin Seine Grands Lacs. Ces quatre ouvrages ont une superficie égale à celle de Paris et une capacité totale de stockage qui correspond à la consommation annuelle en eau potable de la région parisienne, soit plus de 800 millions de mètres cubes. Leur rôle est celui de vigiles : ils régulent le cours de la Seine pendant les inondations ou les périodes de sécheresse. En cas de crue, ils peuvent ainsi permettre de réduire le niveau de l’eau à Paris jusqu’à près de 70 centimètres.

 Le fonctionnement d'un lac-réservoir (document EPTB Seine Grands Lacs)

 

les zones inondables en Île-de-France

L’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France a développé un outil cartographique qui permet d'obtenir une série d'informations sur les zones inondables en Île-de-France : les niveaux d'eau, la superficie communale inondable et qui recense les habitations et les équipements qui seront impactés.
>> Baignade interdite

Sequana ou Ica-onna : la Seine ou l’Yonne ?

Afin de mettre un point final à cet article, il nous faut revenir sur une notion de géographie : celle de confluence. Un confluent, ou point de confluence, est un lieu où se rejoignent plusieurs cours d'eau. Le principe est le cours d'eau entrant dans ce confluent avec le plus fort débit annuel donne son nom au cours d'eau issu de cette réunion, l’autre cours d’eau (le plus faible) devenant son affluent. Selon cette définition, ce ne serait pas la Seine, mais l'Yonne, le cours principal du bassin parisien – et celui traversant Paris. À leur confluence à Montereau-Fault-Yonne, l'Yonne présente un débit et un bassin versant supérieurs à ceux de la Seine. La même situation se reproduit en amont entre l'Aube et la Seine et cette situation se rencontre aussi, en France toujours, entre la Saône et le Doubs.

Mais il n’y a là probablement pas de quoi demander une révision de tous les manuels de géographie.