Les milieux humides, entre terre et eau

Photo Michel Loup
crédit : Martine Le Bec, h2o.net ̶̶ site web
pays
France
auteur

Martine Le Bec

La raison pour laquelle nous devons prendre soin de nos zones humides, c’est qu’elles sont notre unique source d’eau douce et l’ingrédient essentiel de tout développement. Nous devons éduquer les gens de tous âges, leur faire comprendre comment les zones humides jouent déjà un rôle dans leur vie et leur transmettre la passion avec laquelle nous veillons à leur maintien et à leur restauration.

Dr Christopher Briggs, secrétaire général de la Convention de Ramsar, 2 février 2015

Si les océans et les forêts sont souvent comparés aux poumons de la planète, les milieux humides fonctionnant autour d’un élément fondamental, l’eau, en sont les reins.

Des éponges naturelles

Les milieux humides interviennent dans la régulation du cycle de l’eau. Les zones humides échangent de l’eau avec l’atmosphère, le réseau hydrographique de surface (les cours d’eau et les plans d’eau) et le sous-sol (les nappes d'eau souterraines).

À l’échelle d’un bassin versant, leur comportement peut être assimilé à celui d’une éponge. En effet, elles se gorgent d’eau en période pluvieuse, pour la restituer ensuite progressivement. Ainsi, par exemple, la tourbe peut renfermer jusqu’à 98 % d’eau. En aval de ces zones humides, du fait de leur pouvoir de rétention d’eau, les débits maxima sont diminués en période de forte pluviosité, et les minima relevés, en période plus sèche dite d’étiage.

Les milieux humides participent à la recharge en eau douce des nappes souterraines.

Zones de transition entre terre et eau, les zones humides sont des terres imprégnées ou recouvertes d’eau douce, salée ou saumâtre, de façon permanente ou temporaire.

Les milieux humides sont habituellement classés en trois catégories :

  • les milieux humides continentaux, d’eau douce, situés à l’intérieur des terres : marais, mares naturelles, tourbières, prairies, plaines alluviales, landes et forêts humides, lacs, étangs...
  • les milieux humides littoraux, d’eau salée ou saumâtre, sur ou en bordure des côtes : zones estuariennes, lagunes, étangs d’arrière-dunes, vasières, mangroves...
  • les milieux humides aménagés, façonnés par l’homme, d’eau douce comme d’eau salée : marais mouillés et desséchés, marais salants, retenues d’eau...

En France, les zones humides françaises couvrent 3 % du territoire national, soit 1,5 million hectares. Notre territoire a perdu les deux tiers de ces zones (soit trois fois la superficie de la Corse) en un siècle (entre la fin du XIXe siècle et les années 1990) et 50 % dans la seconde moitié du XXe siècle.

Les milieux humides sont présents sous toutes les latitudes. Ils dessinent une multitude de paysages caractéristiques : estuaires, lagunes, étangs, lacs, marais, marais salés, vasières, tourbières, prairies humides, forêts marécageuses, ou encore lagons et mangroves dans les régions tropicales... Vous en connaissez sûrement, tout près de chez vous.

La Camargue, les étangs de la Brenne, la baie de Somme, les marais salants de Guérande ou encore les tourbières du bassin du Drugeon couvrent des milliers voire des dizaines de milliers d’hectares. À côté de ces régions remarquables par leur étendue, leurs paysages et leur biodiversité, les milieux humides sont représentés par une multitude de mares ou marais à l’aspect anodin, d’une superficie souvent inférieure à un hectare. En nombre, les milieux les plus répandus sont les prairies à joncs ou à carex et les landes à molinie, souvent nommées "mouillères". Il y aurait également en France métropolitaine entre 600 000 et 1 million de mares d’une taille comprise entre 10 et 25 mètres carrés  (l’équivalent d’une chambre ou d’un salon) pour une superficie totale estimée entre 600 et 2 500 hectares.

Les milieux humides sont des creusets de biodiversité. L’eau est à la source même de la vie sur terre. Il n’est donc pas étonnant que les milieux humides soient riches d’une biodiversité extraordinaire et abritent d’innombrables espèces de plantes et d’animaux. De très nombreuses espèces d’oiseaux en dépendent pour leur habitat, leur nidification ou leur alimentation ; ces milieux sont indispensables à la reproduction des amphibiens et à celle de beaucoup d’espèces de poissons. Ils sont peuplés d’un grand nombre d’insectes (libellules et demoiselles, coléoptères, papillons, etc.), de mollusques (escargots d’eau douce, moules, patelles, bigorneaux, etc.), de crustacés (crevettes, crabes, écrevisses, etc.).  À titre d’exemple, en France métropolitaine, un tiers des 277 espèces connues d’oiseaux nicheurs est inféodé aux milieux humides. Les milieux humides français situés sur les grandes voies migratoires de l’ouest de l’Europe, permettent aux oiseaux d’eau de faire des haltes au cours de leur transit, depuis les zones arctiques jusqu’à l’Afrique.

Des filtres naturels

Les milieux humides ont un pouvoir d’épuration considérable : ils agissent comme des filtres naturels, véritables reins des bassins versants : ainsi, l’eau qui sort d’un milieu humide est de meilleure qualité que celle qui y entre.

Les milieux humides reçoivent des matières minérales et/ou organiques très diverses qui s’y accumulent, notamment les substances dissoutes dans l’eau de pluie, les eaux de surface et souterraines (sel, métaux lourds, nitrates, pesticides, etc.), et les sédiments charriés par les eaux de surface, des plus fins comme l’argile aux plus grossiers comme les galets. Végétaux, animaux et micro-organismes interviennent ensuite dans le stockage et le recyclage de certains éléments comme le phosphore ou l’azote…

Les milieux humides sont précieux et rendent de nombreux services à l'homme. Entre autres, le pouvoir d'épuration des milieux humides améliore la qualité de l'eau. Les éléments nutritifs en excès (nitrates, phosphates), les particules fines et certains polluants (pesticides) s'y retrouvent piégés ou transformés.

Les milieux humides jouent aussi des rôles clés dans la lutte contre le dérèglement climatique. Entre autres, ils jouent un rôle tampon, et peuvent atténuer la puissance des tempêtes, la force et la vitesse des vagues. Grâce à leur végétation, ils protègent les rives et les rivages contre l’érosion par les vents, le courant ou les vagues.

Les deux tiers au moins de tous les poissons consommés au monde dépendent des milieux humides.

Tout compte fait, la valeur de l'ensemble de ces services rendus par les milieux humides s'établit dans une fourchette de 1 200 à 6 700 euros par hectare, selon le contexte et le type de milieu humide.